La Ausencia en la Presencia (Jamais présent, jamais absent), est une série de 13 portraits narratifs qui explore la perte de personnes dont les proches ont disparu en raison du conflit armé en Colombie. En collaboration avec le Comité International de la Croix-Rouge (CICR), Betsalel a passé du temps avec des membres de la famille des personnes disparues.
A l’exposition, chaque sujet est représenté par trois éléments : le récit, le portrait et l’objet; le titre de l’œuvre énonce la relation familiale du sujet avec la personne disparue, le nom de celle-ci et le jour de la disparition. A la demande des familles, quelques dates et noms ont été changés.
<< Cliquer sur l’image pour l’afficher en plein écran >>
« Father of Braulio, missing since May 9, 2005” (Père de Braulio, disparu depuis le 9 mai 2005)
acrylique, graphite, et charbon sur toile, 122 x 152 cm, 2014
objet : souche d’arbre et pièce de rechange pour une tronçonneuse
Mon fils était un bûcheron. Le jour où il a disparu, il attendait par la route une livraison de pièces de rechange pour sa tronçonneuse. Pendant plusieurs années, je n’avais pas la preuve qu’il était mort – jusqu’à novembre dernier, quand j’ai vu une photo de son corps. A ce moment-là, je me suis senti fort comme si j’avais un bouclier invisible qui me protégeait. Mais je n’ai aucun souvenir des jours qui ont suivi. Parfois, j’ai l’impression d’avoir perdu la raison. Parfois, je commence soudainement à pleurer. C’est douloureux de le laisser partir et d’oublier. Je veux juste retrouver son corps pour qu’il puisse être enterré correctement.
Au départ, j’étais obsédé par la volonté de laver son nom et d’obtenir justice. J’ai quitté ma ferme et sacrifié tout ce que j’avais. J’ai engagé un avocat mais il a pris mon argent et n’a jamais travaillé sur l’affaire. Il a refusé de me redonner tous les documents que j’avais rassemblé. J’étais très déprimé et j’ai envisagé d’abandonner. J’étais en train de pleurer dans un hall d’hôtel quand une femme s’est approchée pour me réconforter et me poser des questions à propos de mon histoire. Elle m’a convaincu de l’accompagner au bureau du Procureur Général. Finalement, l’Organisation des Etats Américain a été capable de récupérer le dossier auprès de l’avocat. Depuis, l’affaire a été rouverte. Cette femme était un ange.
« Mother of Edgar Byron, missing since July 10, 1999 » (Mère d’Edgar Byron, disparu depuis le 10 juillet 1999)
charbon et acrylique sur toile, 122 x 152 cm, 2014
objet : lettre d’Edgar Byron
Mon fils Edgar Byron aimait dessiner. Une fois, il a gagné un prix pour son œuvre d’art. Quand il a fini l’école à l’âge de 17 ans, il s’est inscrit à l’Ecole de Police pour aider la famille. Mais il n’a jamais perdu son intérêt pour le dessin. Il a travaillé pour la police pendant trois ans avant de se faire capturer. Pendant trois mois, nous ne savions pas s’il était en vie. Ensuite, nous avons reçu une preuve : une photo. Après ça, il a commencé à nous envoyer des lettres et des dessins afin que nous sachions qu’il allait bien. Il me disait de ne pas m’inquiéter, qu’il allait bien. En 2002, les lettres se sont arrêtées.
Une fois Edgar Byron m’a rendu visite dans un rêve et me disait que lorsque la famille serait de nouveau ensemble, il reviendrait. Même à ce jour, je sens toujours qu’il surveille notre famille.
La décision la plus difficile de ma vie fut de nombreuses années après ça, quand finalement j’ai accepté l’argent du gouvernement en compensation de son service rendu… choisir l’argent à la place de l’espoir que mon fils soit toujours en vie.
“Mother of Jairo Alexander, missing since July 21, 2006” (Mère de Jairo Alexander, le 21 juillet 2006)
charbon et acrylique sur toile, 122 x 152 cm, 2014
objet: photographie d’autel
Lorsqu’ils ont pris mon fils, ils ont kidnappé ma vie. C’était un homme bon, intelligent et noble. J’étais très fière de lui quand il a fini l’école et est devenu infirmier. Il prenait toujours soin de tout le monde. Quelques jours après sa disparition, sa compagne apprit qu’elle était enceinte de son enfant. C’était déchirant. Son fils voulait toujours aller à l’aéroport pour attendre le retour de son père. Je croyais aussi qu’un jour, il reviendrait.
Quand je me sens en colère, je vais rendre visite à mon petit-fils. Il me rappelle tellement Jairo Alexander, et je suis reconnaissante envers Dieu pour l’avoir dans ma vie. Prendre soin de lui est une distraction, qui me rapporte de la joie mais aussi de la douleur. Même si les autorités disent qu’il est très peu probable qu’il soit toujours en vie, je n’ai pas encore abandonné. On garde toujours une bougie allumée dans l’espoir qu’il trouve un jour son chemin vers la maison.
« Sister of Carlos, missing since April 2, 2007 » (Sœur de Carlos, disparu depuis le 2 avril 2007)
acrylique sur toile, 122 x 152 cm, 2014
objet: tas de saleté
Quand j’étais jeune, des gens armés ont essayé de me recruter. Ils ont dit que j’aurais beaucoup d’argent, une éducation et une belle vie. Ils ont essayé de m’offrir des vêtements mais je ne voulais pas accepter leurs cadeaux. Mon destin n’était pas avec eux. La chose la plus importante que ma liberté est de protéger mes enfants.
Les gens disaient qu’ils étaient venus à la ferme où travaillait mon frère et l’ont forcé à installer des appareils. Certains disent qu’il a été tué quand un s’est involontairement déclenché. Mais personne ne sait où est son corps. C’est très triste parce que c’était une bonne et honnête personne, travaillant seulement à la ferme pour essayer d’aider sa famille. Il était juste au mauvais endroit au mauvais moment.
Exposition “La Ausencia en la Presencia” en collaboration avec le Comité International de la Croix-Rouge dans le cadre de la campagne des disparus de Bogotá, Colombia, 2014, photo: Andrés Felipe Cortés Tique
Exposition “La Ausencia en la Presencia” en collaboration avec le Comité International de la Croix-Rouge dans le cadre de la campagne des disparus de Bogotá, Colombia, 2014, photo: Andrés Felipe Cortés Tique
Exposition “La Ausencia en la Presencia” en collaboration avec le Comité International de la Croix-Rouge dans le cadre de la campagne des disparus de Bogotá, Colombia, 2014, photo: Andrés Felipe Cortés Tique
Exposition “La Ausencia en la Presencia” en collaboration avec le Comité International de la Croix-Rouge dans le cadre de la campagne des disparus de Bogotá, Colombia, 2014, photo: Andrés Felipe Cortés Tique
Exposition “La Ausencia en la Presencia” en collaboration avec le Comité International de la Croix-Rouge dans le cadre de la campagne des disparus de Bogotá, Colombia, 2014, photo: Andrés Felipe Cortés Tique
© 2014 Benjamin M. Betsalel – All rights reserved.